La galerie de portraits d’enfance

20 mai 2019
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Pour explorer la thématique de l’enfance, Dominique Richard, auteur associé de cette édition 2019 du 1er juin, propose une traversée d’extraits de textes dramatiques jeunesse.

Illustrée par Vincent Debats, cette “galerie ” est déclinée en jeu de cartes pour servir de support à différentes activités autour de la lecture et l’écriture de textes dramatiques jeunesse.

L’ENFANT : Je suis l’enfant… Ni tout à fait grand, ni vraiment petit, entre deux âges comme on dit, mes cheveux ont encore la finesse des ailes de libellules, ils sont toujours couleur de blé. Mes épaules se redressent déjà mais je n’ai pas encore les muscles saillants de mon grand-frère…

SON OMBRE : Un petit duvet transparent envahit tes lèvres, il est encore imperceptible et toi seul le reconnaît quand tu te contemples des heures dans le miroir.

L’ENFANT : Je me tiens là, blotti dans les rues de la ville, debout contre la nuit étoilée et je me demande pourquoi je suis sorti me perdre ce soir, au milieu  du  printemps, à marcher sous les rayons  de la lune, à attendre l’insaisissable… Un appel qui me serait destiné, une voix dans l’ombre qui m’emporterait ailleurs, m’indiquerait un chemin, des espaces à franchir, des monts à contourner, des rivières à traverser, des mers à explorer, mais seul le silence étouffé du ciel m’envahit. Les rideaux sont tirés aux fenêtres, les volets fermés, tout le monde semble dormir, alors j’erre sans raison, de ruelle en ruelle, au hasard des rencontres de papillons, de guêpes égarées, d’écureuils curieux de mon passage. Je suis seul…

(L’enfant aux cheveux blancs, Dominique Richard – Editions Théâtrales / Jeunesse)

Je
M’appelle
Catalina
Catalina In Fine.
J’ai dans les treize ans.
Je n’ai ni père ni mère, alors je rigole souvent.
L’ennui, c’est que.
Je ne vais pas vous faire un dessin.
J’ai deux visages, c’est vite vu.
Regardez.
Celui-ci.
Qui vous parle.
Et celui-là.
Qui ne parle que quand je dors, alors je ne l’entends pas.
Je dors et il parle.
Le reste du temps, quand je parle avec celui-là, celui-ci fait des moues, des
moues contraires à celui-là, bien, bien. (Elle tourne le dos à l’assemblée)
Vous avez vu ?
Il ne parle pas.
Il fait des moues.

(Catalina in Fine, Fabrice Melquiot – L’Arche Editeur / Théâtre Jeunesse)

CREVETTE : Salut.

MOUSTIQUE : Salut.

CREVETTE : Tu t’appelles comment ?

MOUSTIQUE : (il lui chuchote son nom à l’oreille) …Mais tout le monde m’appelle Moustique.

CREVETTE : C’est drôle comme surnom.

MOUSTIQUE : Et toi ?

CREVETTE : (elle lui chuchote son nom à l’oreille) …Mais tout le monde m’appelle Crevette.

MOUSTIQUE : Pourquoi ?

CREVETTE : Parce quand je fais de la danse avec mon tutu mon père dit toujours que je ressemble à une crevette rose…

MOUSTIQUE : Tu fais de la danse ?

CREVETTE : Ouais…

MOUSTIQUE : Ah ouais… Moi j’fais du karaté.

CREVETTE : Ah ouais…

MOUSTIQUE : J’suis ceinture jaune.

(Moustique, Fabien Arca – Editions Espaces 34 / Théâtre Jeunesse)

ALYAN : Pourquoi t’es une fille ?

NINA : Je ne sais pas.

ALYAN : Pourquoi tu sais pas ? Qui choisit alors ?

NINA : Moi. C’est moi qui ai choisi.

ALYAN : T’as eu le droit de choisir, toi ?

NINA : Je me suis concentrée, j’ai fait l’imagination et ça a marché.

ALYAN : C’est quoi la magination ? (…)

ALYAN : J’aimerais bien faire un bébé.

NINA : Tu en feras, même quinze si tu veux.

ALYAN : Je pourrai pas en faire.

NINA : Mais si.

ALYAN : Non. Je pourrai jamais être maman.

NINA : Ah non, ça non, être maman, ça non tu ne pourras pas.

ALYAN : Pourquoi ?

NINA :  Parce que tu es un garçon et que les garçons ne sont pas des mamans.

ALYAN : C’est pas ma faute.

NINA : Tu seras papa, voilà. Maintenant tu me fous la paix sinon je ne jouerai plus jamais au dragon avec toi.

ALYAN : Un jour, je voudrais être maman, Nina. C’est ça que je voudrais. Et être une princesse, je voudrais bien.

NINA : C’est nul les princesses.

ALYAN : Pourquoi ?

NINA :  Une  princesse, elle  attend  longtemps un  type  qui viendra  lui donner un baiser et après elle est enfermée toute sa vie elle fait des enfants elle lave le linge elle fait à manger elle passe son temps à se friser les cheveux à se mettre du rouge à lèvres à essayer d’être mince elle bouffe que dalle elle a l’air d’une grosse imbécile qui se croit jolie alors qu’elle est rien d’autre qu’une fille qui s’ennuie et qui ne sait même pas lire. Au mieux, elle finit sorcière.

(Mon frère, ma princesse, Catherine Zambon – L’Ecole des Loisirs)

Suzy : Je m’appelle Suzy

Il est minuit et dans ma chambre

Sur la pointe de mes pieds nus

Je marche sans faire de bruit

Je m’approche de la fenêtre

C’est beau ma ville la nuit

Je suis à la fenêtre du monde

Et ce que j’y vois me sidère

Le voisin sur son balcon

On dirait qu’il parle à son philodendron.

Clément : Faux

C’est un faux philodendron

Je l’appelle Hubert

Pourquoi Hubert

Pourquoi pas ? (…)

Je vois Paris

Je vois la Tour Eiffel qui scintille de mille feux

Je vois la Tour Montparnasse

Montmartre le Sacré-Cœur Notre Dame et La Défense

C’est beau

Mes parents ne le savent pas mais Je sors la nuit

En cachette

Sur le balcon je respire à pleins poumons

J’ai quatorze ans

Je m’appelle Clément.

(Hubert mon faux philodendron, Luc Tartar – Lansman Editeur)

SALVADOR  (RÉCIT).- Je suis né dans  les  montagnes à l’ombre des eucalyptus juste sous le soleil et  le ciel. Tout petit je croyais qu’en grandissant je pourrais seulement en tendant le bras chasser les nuages de pluie qui attristent le cœur des gens. Ma mère qui était une adulte et qui devait savoir que les choses ne se font pas aussi facilement se plaisait à me laisser croire que grand je serais tout-puissant. Pourtant, elle avait toutes les raisons de croire que je ne ferais jamais rien de bien dans la vie. Je suis né plusieurs semaines en avance, si petit et si poilu qu’on lui a dit qu’elle avait accouché d’un cochon d’Inde et qu’elle avait dû faire une faute très grave pour qu’un malheur aussi grand arrive. (…)

J’étais à peine plus gros qu’une petite patate et j’avais eu la mauvaise idée de naître au cœur de l’hiver le plus froid qu’on ait connu de mémoire d’homme.

Le matin mon père trouvait l’eau des cruches gelée et il devait faire un feu de crottin de lama pour nous donner un simple verre d’eau.

La montagne est habile à geler jusqu’à l’âme mais elle ne connaissait pas toutes les ressources de ma mère qui avait juré que jamais un de ses fils ne mourrait avant elle.

Elle s’est battue avec la mort jusqu’au printemps. Elle me massait, me pétrissait comme elle avait appris à le faire pour le pain, me tenait serré contre son cœur, me réchauffait avec son haleine.

Quand elle ne pouvait pas me porter, elle m’installait dans un petit hamac de laine d’alpaga qu’elle avait fabriqué et me suspendait au-dessus du réchaud sur lequel elle faisait à manger.

Dès les premiers beaux jours elle sut qu’elle m’avait sauvé. Mon père me prit fièrement dans ses bras pour me montrer la couleur du ciel et ma mère me fit baptiser …

BENEDICTA.- (voix off) Il s’appellera Salvador.

SALVADOR (RÉCIT).- Elle confondait dans son cœur de mère aimante
sauveur et sauvé.

(Salvador, Suzanne Lebeau – Editions Théâtrales / Jeunesse)

L’ENFANT DEVIN : Alors moi, je m’appelle Maxime, j’ai douze ans, ma mère s’appelle Bernadette,  c’est pas de chance pour elle, mon père est plombier, on ne l’appelle pas, lui, on dit juste « papa », ma grand-mère a quatre-vingt-trois ans, on lui a interdit la mobylette l’année dernière, OK, ma grand-mère, ce n’est pas très palpitant, j’ai une sœur qui a un an de moins que moi, et un petit frère, c’est ma torture, le môme le plus horrible que je connaisse, il chiale sans arrêt, avec ma sœur, on a essayé de le perdre l’année dernière en forêt, mais malheureusement il a été retrouvé par la police, t’aurais vu la tête de Bernadette, on a un chat, SuperHéros, c’est moi qui ai trouvé le nom, on est comme des frères, je suis son confident, il me raconte ses secrets, on a échangé nos vies pendant une semaine l’année dernière, je suis un fan de maquettes, j’en ai plein à la maison, des maquettes de tout, d’avions, de bateaux, de  voitures, de théâtre, plus tard, je ferai ça comme travail, des maquettes, ou des décors, je ne sais pas, ou alors banquier si je n’ai plus d’idée, mais je pense que faire des maquettes, c’est plus amusant… Tu dors ?

(Les Cahiers de Rémi, Dominique Richard – Editions Théâtrales / Jeunesse)

Je m’appelle Blanche.
Je porte des robes blanches des culottes blanches des soquettes blanches et des tennis blanches.
Je n’aime pas la nuit.
Je n’aime pas les jeux d’enfant. Je n’aime pas plonger dans la piscine. Jouer à cache-cache. Je n’aime pas qu’on me fasse tourner avec un bandeau sur les yeux pour avancer à tâtons à la recherche des autres qui gloussent qui rient qui poussent des cris et appellent : Blanche par ici, Blanche par là.
J’aime l’été. Le sable dans l’île et l’heure du midi. J’aime quand il n’y a pas d’ombre. Que les ombres même sont blanches.

(L’heure blanche, Claudine Galea – Editions espaces 34 / Théâtre Jeunesse)

BOULI MIRO : Je m’appelle Bouli Miro, j’ai sept ans, je ne suis plus aussi gros qu’avant mais c’est pas  ma faute, je ne pouvais quand même pas m’asseoir sur mes parents. Petula, sans toi, je ne suis pas heureux, okay ?
Est-ce que tu crois qu’on va rester des amoureux à la vie de la mort ? Si je suis un maigre gymnaste, c’est pas ma faute. Je suis toujours le même. Ton Bouli qui a mal au cœur.

(Bouli Miro, Fabrice Melquiot – L’Arche Editeur / Théâtre Jeunesse)

MOUSTIQUE : Tout le monde m’appelle Moustique mais c’est pas mon vrai nom. Non. C’est mon surnom. On a tous des surnoms un peu débiles comme ça qui nous font honte et que nos parents nous collent sur les épaules. A se demander pourquoi ils nous ont donné un nom si c’est pour
nous coller un surnom après coup ?! Et moi donc tout le monde m’appelle Moustique à cause de mon père. Il trouve que j’ai des grandes pattes comme un moustique. Alors depuis c’est resté dans ma famille et maintenant tout le monde m’appelle Moustique et même des fois quand mon père est très en colère il m’appelle « Moustique de merde ! »… Mais chut, ça il ne faut pas le dire parce que c’est un gros mot…  Au début j’aimais pas trop qu’on m’appelle Moustique, mais maintenant je m’en
fiche, et même je trouve ça rigolo les moustiques, c’est vrai, ça fait un drôle de bruit quand ça vole et puis ça pique et après ça gratte, alors…
Pourquoi pas ?

(Moustique, Fabien Arca – Editions Espaces 34 / Théâtre Jeunesse)

MOLENE : Molène.
Molène, le nom d’une île, mon nom.
Autour de moi, il n’y a que de l’eau, eau de pluie, eau de brouillard, eau de nuages. De l’eau et quelques mouettes qui n’osent pas rire de peur de déranger les morts, rangés là, sous la terre et les pierres.
Molène, l’île abandonnée des vivants, où il ne reste plus qu’un boulanger et un  épicier qui écoutent le va-et-vient des vagues pour occuper leurs journées froides.
Molène. Douze ans. Ou mille ans peut-être car j’ai déjà vécu partout et nulle part. Six maisons depuis ma naissance. Les déménagements bousculent le calendrier, demain j’aurai vingt ans peut-être.
Molène. Fille comme son nom l’indique.
Sœur de Jacob.
Cousine de Chris.

(Molène, Françoise Pillet – Editions Théâtrales / Jeunesse)

PIERRE : Je suis Pierre. C’est mon prénom. C’est un vieux prénom, celui de mon grand-père que ma mère aimait beaucoup.
Je ne l’ai pas connu.
Il est mort quand j’étais dans le ventre de ma mère.
C’est comme ça qu’on hérite d’un prénom.
Pour le reste j’hésite encore.
Rockboy, c’est bien, mais ça fait penser à la musique.

Stoneboy, je trouvais que ça sonnait bien, sauf qu’un jour j’ai entendu dire que stone, en anglais, ça voulait aussi dire défoncé.
Le garçon défoncé, c’est pas terrible comme nom de super-héros.
Pebbleboy, c’est pas mal.
Pebble, c’est un galet en anglais, ou un caillou. J’ai regardé dans le dictionnaire.
Rond, dur, incassable.
Je suis Pebbleboy, le garçon dur comme la pierre.
Je vais faire de grandes choses

(Pebbleboy, Eric Pessan – L’Ecole des Loisirs)

L’OURS Tu devoir te réveiller, toi.

MOI Aaah.

L’OURS Tu pas devoir crier.

MOI Tu me faire peur l’ours.

L’OURS Chut, tu devoir parler tout bas, elle dormir.

MOI Elle être si trop belle.

L’OURS C’être ta sœur.

MOI Elle me ressembler.

L’OURS Comme deux flocons de neige. Elle être ta jumelle, Ellj.

MOI Comment tu savoir mon nom ?

L’OURS Tu pas me reconnaître ?

MOI Je jamais te voir avant.

L’OURS Si, mais tu me regarder de travers.

MOI Tu ressembler à Personne on dirait.

L’OURS J’être ton père oui.

MOI Et pourquoi tu pas même me recevoir quand je viendre pour te voir ?

L’OURS Je doive m’excuser si je suir en retard, mais Annj et moi on venir
de très loin, et on avoir traverser une tempête sur la mer.

MOI Annj ?

L’OURS Oui.

MOI C’être un beau prénom mais pourquoi elle tu me l’avoir cachée ?

L’OURS Je pas devoir le dire, il être notre secret à tous les trois.

MOI Tous les trois ?

L’OURS Annj, toi et moi.

MOI Mais je pas le connaître le secret moi ?

L’OURS Comme ça tu le trahir pas.

MOI Elle doive dormir longtemps ?

L’OURS Tant qu’elle le vouloir, mais tu devoir pas la réveiller, car si tu le
faire elle disparaître.

MOI Peut-être elle somnoler seulement.

L’OURS Peut-être.

MOI Et peut-être je pouvoir somnoler avec elle ?

L’OURS Ça je pas le savoir jamais.

(L’enfant cachée dans l’encrier, Joël Jouanneau – Actes Sud / Heyoka Jeunesse)

ALYAN : Dans la classe j’ai fait un masque avec des cheveux longs de ficelle jaune et j’ai dit : « C’est moi quand je serai grande je m’appellerai Nayla. » J’ai mis des grandes dents et des lèvres rouges comme Mamie Loupiotte quand elle va en ville. Le maître a dit : « C’est joli ! » Mais quand je suis sorti dans la grande cour de l’école avec mon masque, Lila, la sœur de Ben, a dit : « C’est nul un garçon avec du rouge à lèvres ! » Tout le monde a rigolé. Pas moi, j’ai eu envie de pleurer même, mais je l’ai pas fait. Lila m’a fait un croche-patte et tout le monde s’est moqué, alors là, j’ai pleuré. Ça m’a fait mal dans le cœur. J’ai tout raconté à Nina. Elle va les tuer, elle a dit.

(Mon frère, ma princesse, Catherine Zambon – L’Ecole des Loisirs)

HUBERT : Est-ce que je suis vraiment beau ? J’ai changé. Mes cheveux ne sont plus aussi fins. Il faudra que je demande à papa de me les couper. Je suis plus fort, je sens mes biceps, pourtant je pense que je me préférais avant. Quand j’avais l’âge de mon petit frère. Comment m’habituer à cette nouvelle tête, à ces nouveaux bras qui s’allongent, à tous ces poils, à ces mains trop longues ? J’ai la sensation de m’être déguisé. C’est comme si j’avais un autre corps, sous celui-ci qui se détache de moi par lambeaux. Je vais me faire couler un bain très chaud, et tout nu, m’oublier dans l’eau de la baignoire. Lorsque le miroir sera couvert de buée, peut-être que je me reconnaîtrais, flou et déformé. Alors je pourrais à nouveau m’admirer. Et m’aimer, un peu.

(Hubert au miroir, Dominique Richard – Editions Théâtrales / Jeunesse )

OUAIS : Je m’appelle Ouais. Tout le monde m’appelle Ouais, sauf les gens qui ne me connaissent pas. Je m’appelle Ouais, parce que depuis que j’étais enfant, je dis ouais à tout bout de champ. Il paraît qu’il faut dire oui, que dire ouais ça ne se fait pas. Si j’avais dit oui, on m’aurait appelé Oui, alors
là non. On m’aurait pris pour la femme de Oui-Oui, vu que j’aurais été sa moitié, et franchement Oui-Oui, vous avez vu sa tronche ? Mémé Blanche dit que ce qui ne se fait pas, c’est d’abord ce qu’il faut faire. Papa dit qu’elle est psychopathe. Un psychopathe, c’est quelqu’un avec le cerveau qui marcha à quatre pattes dans sa tête, alors il déraille. Mémé dit que c’est normal que Papa dise ça, vu que primo, c’est son gendre, deuzio, il est débile.

(Blanches, Fabrice Melquiot – L’Arche Editeur / Théâtre Jeunesse)

GABIN : Et toi c’est quoi ton prénom ?

ALICE : Alice.

GABIN : Alice c’est pas si mal.

ALICE : Alice pour le moment.

GABIN : Alice… Alice… Je connais pas des Alice qui sont des actrices ou je ne sais pas des filles de dessins animés ou des choses comme ça. T’en connais toi des autres Alice qui sont célèbres ou qu’ont trop la classe ?

ALICE : Non je crois pas.

GABIN : Alice c’est pas un prénom qu’est trop connu c’est ça qu’est bien.
On s’embrasse ?

ALICE : Non pas maintenant.

(Alice pour le moment, Sylvain Levey – Editions Théâtrales / Jeunesse)

REMI : Tu t’appelles comment ?

MAX : Ça dépend.

REMI : Ça dépend ?

MAX : Au château, tout le monde m’appelle Max. Il paraît que c’est mon vrai nom. Enfin celui que, mes parents m’auraient donné. Mais moi, je préfère Nicolas. Quand je viens ici, que je m’échappe, il n’y a plus de Max.
C’est Nicolas qui jette des pierres, déniche les oiseaux, chaparde des pommes ou discute avec Fantômas…

REMI : Fantômas ?

MAX : C’est ma pie. Je l’élève. C’est ma seule amie.

(Les Ombres de Rémi, Dominique Richard – Editions Théâtrales / Jeunesse)

ANGELE : Je t’écris de France, je suis française pourtant j’ai un père italien et une mère bretonne. Malgré mes origines multiples, je n’ai qu’un nom, un seul.
Mais je ne l’aime pas du tout.
Il est un peu ridicule et j’espère que tu ne vas te moquer, ni de lui ni de
moi.
Je m’appelle Angèle. C’est dit. Ouf.
Angèle ! C’est ma mère qui a déniché ce nom.

Quand j’étais roulée en boule dans son ventre, elle a rêvé d’une petite fille rousse habillée d’un tee-shirt sur lequel le nom d’Angèle était brodé en lettres dorées. Et comme mon père a toujours imaginé que sa fille ressemblerait à un ange…
C’est complètement raté, je ne ressemble pas à un ange. Mon père n’en
revient pas. Certains soirs d’orage, il dit même que je suis le diable.

(Émile et Angèle, correspondance, Françoise Pillet et Joël da Silva – Editions Théâtrales / Jeunesse)

Jilette : Qui es-tu ?

Jojo : Jojo. En fait votre cerveau, si vous voulez mon avis, il est comme un vieux gruyère où il y a de plus en plus de trou et de moins en moins de gruyère. Vous voulez encore un peu d’avis ?

Jilette : Ça ira merci. Tu voudrais pas aller faire un tour ?

Jojo : J’ai pour principe de ne jamais m’aventurer plus loin que les limites autorisées. Jusqu’à là.  Après, c’est l’inconnu. Et je lui parle pas, c’est défendu par ma mère. Et vu que j’ai promis de vous avoir à l’œil jusqu’à minuit sans bouger d’un cil, nous resterons bien seuls ensemble. Faîtes comme si j’étais pas là, j’ai l’habitude.

Jilette : T’es solo boy ?

Jojo : Implacable. A tel point que quand j’étais jeune, il y avait quelque chose en moi qui voulait mourir.

Jilette : Ah oui ?

Jojo : Disparaître dans une petite fumée, si fine que mes parents n’y auraient vu que du feu. Je serai devenu invisible aux yeux du monde et ça n’aurait rien changé. Pour personne. C’était pas les années les plus faciles, croyez-moi. Et un matin, c’est elle qui m’a ouvert les yeux.

Jilette : Qui ?

Jojo :  La maturité. Elle a changé ma vie. Elle m’a fait comprendre que même pour le plus seul des plus seuls, il y a toujours un avenir. Pas la peine de se faire couler du mauvais sang ! Je les aurai un jour les copains pour faire le foot, et les copines pour faire l’amour ! Il suffit d’attendre.
Tout est là.

Jilette : Attendre quoi ?

Jojo : Que la vie s’intéresse à moi.

Jilette : Dans une rue déserte, le cul sur un ballon à plat ? Tu peux attendre longtemps.

Jojo : On s’y prépare. Et puis on a un truc. De solo boy. En attendant l’amour et les copains.

Jilette : Quel truc ?

Jojo : N’insistez pas mémé, c’est un secret. Vous tombez mal ma petite : c’est un truc que je me suis jamais sorti de la tête en public, et si le monde entier l’ignore encore, vous comprendrez aisément que je ne me livre pas au premier vieux qui passe. Surtout un qui yoyotte.
(elle pleure)

Jilette : Je suis une vieille passoire…le passé me déserte…les mots me désertent… Ça rentre par-là, ça va dieu sait où…

(Jojo au bord du monde, Stéphane Jaubertie – Editions Théâtrales / Jeunesse)

TITUS : Je m’appelle Titus
Je suis un garçon qui se tait
Les grands voudraient que je parle
Tout le monde voudrait que je parle
Mes parents mes grands-parents
Mon maître d’école
Tous les gens que je rencontre
Je le vois dans leurs yeux
On voit tout dans les yeux
Les yeux disent mieux que les bouches
Pourquoi j’aurais besoin de parler ? (…)
D’où vient la pluie,

Où va le soleil ?
Est-ce que les vagues se font mal contre les rochers ?
Pourquoi le ciel ne tombe pas ?
Est-ce qu’on grandit toute la vie ?
Et le tour du monde c’est long ?
Est-ce que les choses existent sans les noms ?
Pourquoi un arbre s’appelle un arbre ?
Pourquoi tous les garçons ne s’appellent pas Titus ?
C’est quand qu’on est plus un enfant ?
Pourquoi il ne fait pas tout le temps nuit ?
Est-ce qu’on est obligé de se laver tous les jours quand on est grand ?
Pourquoi il n’y a pas que des dimanches et des samedis ?
Où vont ceux qui s’en vont ?
Quand je serai grandi je toucherai l’horizon ?
Quand je serai grandi je deviendrai un arbre ?
Quand je serai grandi je courrai plus vite que le train qui va chez Mamie ?
Quand je serai grandi je serai plus un garçon ?
Je serai plus un Titus ?
Je serai qui ? (…)
Je m’appelle Titus
Je suis un enfant tranquille
Les grands voudraient que je bouge que je m’agite que j’esticule
Moi je m’assois sur l’escalier
Et je m’en vais…

(Après grand c’est comment ?, Claudine Galea – Editions Espaces 34 / Théâtre Jeunesse)

Je m’appelle Marie.
Je vis dans une petite maison au bord du boulevard de l’Orée. C’est un grand boulevard où, toute la journée, passent des bus et des voitures. En face de chez moi, de l’autre côté du boulevard, c’est la Cité-Fauré. Le boulevard fait tout le tour de la cité. Cité-Fauré ça s’écrit F.A.U.R.E., le nom d’un musicien célèbre d’avant, mais pour nous c’est la Cité-Forêt.
F.O.R.E.T., comme la forêt où on se promène. Sauf que, dans la Cité-Forêt, on ne se promène pas. On dit que la Cité-Forêt est pleine de dangers, qu’on y fait de drôles de rencontres, des rencontres qui font peur, que les immeubles y ressemblent aux arbres d’une forêt, si hauts et si serrés qu’à
certains endroits on ne voit plus le ciel. (…)
Tout au bout du boulevard de l’Orée, très très loin, il y a la très grande ville. On n’y va presque jamais, sauf pour voir les vitrines de Noël des grands magasins et sauf ma mère pour son travail.
Voilà.
Je m’appelle Marie. Et ça, c’est mon histoire.

(La petite fille qui disait non, Carole Thibaut – L’Ecole des Loisirs)

VICTOR : Qu’est-ce que tu fais là ?

L’ENFANT : La même chose que l’autre jour. J’essaye de mourir.

VICTOR : T’as pas l’air d’y arriver plus que l’autre jour.

L’ENFANT : Tu me déranges toujours.

VICTOR : C’est parce que t’es pas à la bonne place.

L’ENFANT : Si ! Moi je suis bien là, je ne veux pas sortir.

VICTOR : Sors de là. Tu vas m’aider à tailler la haie.

L’ENFANT : Tu me fais oublier mes questions avec ton travail.

VICTOR : Allez sors de là.

L’ENFANT : Non !

VICTOR : Allez ouste sors de ce trou ! Viens !

L’ENFANT : …

VICTOR : Bon si tu ne veux pas venir je vais aller te chercher.

L’ENFANT : Non je veux rester là. Je suis bien dans la terre.

VICTOR : T’as pas fini. T’as plein de choses à voir… Bon je vais aller te chercher. Aie ! Mais t’es comme un petit animal. Tu mords. Tu vas casser tes petites dents sur ma chair coriace. Allez. (Victor sort l’enfant à bout de bras et le pose près de lui) Te voilà debout. T’es très bien debout.
D’ailleurs je vais t’appeler Debout !

L’ENFANT : Debout ?

VICTOR : Oui, Debout ! Comme ça tu ne seras pas tenté d’aller te coucher
avant l’heure.

L’ENFANT : Je suis Debout, je suis Debout !

(Debout, Nathalie Papin – L’Ecole des Loisirs)

L’INFANTE : Je suis là.

Droite dans mes chaussettes,

l’étrange fête devant moi.

Sous mes pieds, je sens le fil tendu.

Droite dans mes chaussettes,

j’avance à la grandeur de mes pas.

Je tomberai encore.

et je me relèverai encore.

Car j’ai dans la tête une luciole.

et celle-là ne repartira pas.

Ce soir mon cœur est acrobate

et mes chaussons sont pleins d’envies.

A l’orée du bois j’ai laissé la peau de mon âne.

Droite dans mes chaussettes,

j’avance à la grandeur de mes pas.

Ce soir mon cœur est colibri.

Les grossiers forains, je ne les entends pas.

Dans cette étrange fête, il y a une place pour moi.

Une très grande roue pour le frisson.

Une très grande roue juste pour moi.

Pour la trouver, j’ai tout mon temps.

S’il faut la construire, je le ferai avec mes doigts.

J’ai les doigts pleins d’amour

et mes chaussettes sont juste à moi.

(Seule dans ma peau d’âne, Estelle Savasta – Lansman Editeur)

MINA : Comment tu t’appelles ?

MAYO : Je sais pas…

MINA : Comment ça tu sais pas comment tu t’appelles ? T’es malade ?
Amnésique ? Alzheimer ?

MAYO : Je sais pas si je peux te le dire.

MINA : Pourquoi ?

MAYO : Si tu dois appeler la police après…

MINA : T’es pas en mesure de décider !

MAYO : Très bien.

MINA : Alors ?

MAYO : Mayo. Tu peux m’appeler Mayo.

MINA : Maillot ?

MAYO : Ouais.

MINA : Comme un maillot de bain ?!

MAYO : Non. Comme la mayo.

MINA : C’est pas un nom.

MAYO : C’est un diminutif.

MINA : Bizarre.

MAYO : Parce que j’adore la mayo…

(Jardin secret, Fabien Arca – Editions Espaces 34 / Théâtre Jeunesse)

GEORGE : Mon nom ça oui, George. George sans « s ». Pas besoin pluriel. Huit ans, mon âge. Ça me plaît, huit. (George mime le huit) Un jour, j’ai vu, vrai de vrai, un huit couché. Je l’ai montré à maman, elle a dit : « Ça tu vois, c’est l’infini. Il y en a à plus, il y en a à moins. » Je n’ai pas très bien compris.  Maman, elle parle des fois façon charabia. Mais dans paroles-là qu’elle a dite, j’ai compris que huit c’est l’infini debout ; et moi, ça m’a tout gonflé les narines, de savoir que j’avais l’âge de l’infini
debout. J’aime ça. Moi aussi, je ne me sens pas finie. Parce que, toujours plus loin, toujours tu gagnes quelque chose à l’infini. Je voudrais grandir jusqu’àààà l’infini, pour connaître tout tout tout tout.

(Même les chevaliers tombent dans l’oubli, Gustave Akakpo – Actes Sud / Heyoka Jeunesse)

FALSTAFF : Je m’appelle Falstaff. Je sais, c’est bizarre comme prénom, tellement bizarre que ma grand-mère, la première fois qu’elle l’a entendu, elle a pensé que papa lui faisait une blague. Mais  non, c’est  bien mon prénom.
C’est maman qui a voulu qu’on m’appelle comme ça. Maman, c’est une originale : elle vote à gauche et elle aime le théâtre. Et papa dit que, dans une famille de droite, c’est original.
Je vais à l’école publique. Mais parents ont mis un point d’honneur à ce que j’aille là-bas. (…)
Je suis bon à l’école. J’ai de bonnes notes.
Parfois, j’aimerais être plus nul. J’aurais moins de problèmes avec ceux qui n’y arrivent pas ou moins bien et qui sont sur mon dos à la récré.
Je pourrais rouler des mécaniques et jouer les gros durs parce que c’est comme ça : ça craint d’avoir un cerveau qui marche bien.
(Un temps)
Je me demande souvent si mon cerveau aussi, il est noir.

(Je peux savoir pourquoi je suis noir ?, Julie Rey – L’Ecole des Loisirs)

GROSSE PATATE : On m’appelle “Grosse patate”.
Ce n’est pas mon vrai nom. On m’appelle comme ça parce que j’aime manger. J’aime tellement manger ! Pétard de pétard !
Je mange tout le temps. En famille, je mange. Quand je m’ennuie, je mange. Aux anniversaires, je mange. Je goûte tout ce que les autres mangent.
Le matin, je prends un sandwich que je plonge dans mon chocolat au lait, le midi, je finis tous les plats à la cantine. A quatre heures, je goûte, le soir, je dîne et certaines nuits, je me lève pour voir ce qu’il y a dans le frigo.
Je fais des rêves remplis de gâteaux, de pains au chocolat, de crème chantilly. Je mange en cachette,  je fouille dans les placards, dans les armoires, à la cave.
C’est très embêtant d’aimer manger, parce que même en se cachant, ça finit toujours par se voir.
On prend des rondeurs, du ventre, de l’estomac, et surtout, on grossit des fesses. On devient tout rond et votre tête ressemble à un ballon de football.
Quand on court, ça fait « bedom, bedom », tout bouge et on est un peu gêné.
Puis on se met à transpirer. La sueur descend le long du corps, dégouline du front. On se sent recouvert d’huile, de margarine, de savon. Tout glisse des mains. Les cheveux sont gras, deviennent des baguettes, comme si on avait mis la tête dans un pot de colle.
On est une boule de glace à la fraise en train de fondre au soleil.
Je sais que je suis belle, beaucoup plus belle que Rosemarie Pecolla, qui est un clou pointu. Ma peau  est douce, mes joues sont rondes, elles donnent envie de déposer des baisers. Et puis, j’ai de plus beaux pieds…
Manger, moi, ça m’endort.
Bonne nuit la lune ! Bonjour, mes rêves…

(Le journal de Grosse Patate, Dominique Richard – Editions Théâtrales / Jeunesse)

ALYAN : j’aime pas être un garçon, je veux pas être un garçon, je veux pas fâcher papa, je crois qu’on peut revenir en arrière et me refaire autrement, donner à quelqu’un ce qui n’est pas à moi, le zizon c’est pas à moi, ça pend, c’est mou, on dirait un ver de terre, la nature elle s’est trompée, je veux être
comme Nina, ma sœur. Elle est trop belle. Je veux être comme Nina, elle va avoir des seins qui poussent et ses cheveux, elle, elle a le droit de les garder, elle peut mettre du rouge à lèvres, du vernis, elle peut même jouer au foot et faire de la poésie, je comprends pas pourquoi j’ai le droit qu’au foot et pas au reste.

(Mon frère, ma princesse, Catherine Zambon – L’Ecole des Loisirs)

ANNA : C’est ici, dans la maison de garde-barrière de mon père que je suis née, dans cette campagne malingre et vaguement industrieuse, avec des pièges à renard et des bouts de rouille pour empaler le ciel. Je me souviens que la maison de brique rouge, au carrefour du fleuve et de la voie ferrée, se reflétait dans l’eau et que les murs frémissaient comme une peau. Les temps étaient durs et ma mère ne cachait pas son inquiétude.

LA MERE : Si je n’avais qu’un vieux lait caillé à donner à l’enfant ?

LE PERE : Tu te fais un mouron de génisse, c’est mauvais !

ANNA : Mon père râlait, il aurait préféré un garçon.

LE PERE : Pour pisser debout, vaut mieux être un gars !

ANNA : Un gars comme lui, un qui lui ressemble, pour boire des coups et
pour poser des collets.

LE  PERE : Maintenant que tu es grosse, on va faire semblant d’être joyeux !

ANNA :  « Faut  bien ! » avait dû  enchérir ma mère en opinant douloureusement. Anna, tel est le prénom que choisirent ma mère et mon père, tous deux profondément croyants et indéfectiblement mes parents. A pleine gorge, ils avaient dû le crier par-dessus le toit jusqu’aux eaux tumultueuses du grand Danube, notre fleuve à tous, inlassable témoin de nos joies et de nos tourments. Les mouettes s’en souviennent.

VOIX : Anna, Anna !

ANNA : Ainsi avais-je été baptisée par le pope tout vêtu d’or et de pourpre et on avait dressé la nappe blanche, on s’était repu de mangeailles grasses à pleine soupière, avec même de l’os et de la couenne, et puis boire, boire, et on avait dû inviter les violons de nos voisins Roms pour repousser la nuit jusqu’à plus soif et tous avaient dansé une farandole autour de la maison du
garde-barrière.

(La Petite Danube, Jean-Pierre Canet – Editions Théâtrales / Jeunesse)

LUDOVIC : Je m’en fous. Je suis pas complètement idiot. « Sombre idiot, pauvre andouille, bécasson.»  Et à l’école : « Crétin, débile, niais, simplet… » A la récré, ils se mettent autour de moi et ils me traitent. Parce que je suis lent. Je comprends tout aussi bien qu’eux, pourtant, j’ai juste besoin de plus de temps.

CHOEUR D’ENFANTS : Le temps que ça arrive au cerveau, ouais !
Tu parles, il en a pas, de cerveau !
Eh, crétin, secoue voir ta tête ?
T’entends, c’est le petit pois qu’est dedans !

LUDOVIC : Tous autour de moi, ils me disent des noms méchants.

CHOEUR D’ENFANTS : Nounouille, taré, raté, râteau…

LUDOVIC : Des qu’ils inventent aussi. Au début de l’année, c’était « même pas né ». Parce qu’ils me trouvaient bébé, maman m’a dit. Et là, à la dernière récré, il y a Fabrice qui crie…

FABRICE : Mongol !

LUDOVIC : … Et tous les autres répètent :

CHEIUR D’ENFANTS : Mongol ! Mongol ! Mon-gol !…

LUDOVIC : Ils crient en tournant autour de moi, tellement fort, tellement vite que ma tête tourne aussi, tout se mélange, je veux m’en aller, Fabrice me pousse, mon petit jus de fruits dégouline dans mon dos, tout le monde tourne autour de moi en criant ce mot, là, ce mot…

(Mongol, Karin Serres – L’Ecole des Loisirs)

LA JEUNE FILLE : Moi, j’avais un frère. C’était mon frère. Je lui disais : « Bonjour frère ! » Et il venait. Il avait une épée. C’était une petite épée qu’il avait faite. Il la prenait. Il disait : « Viens sœur ! » Et on y allait. Des fois c’était au jardin. Des fois c’était dans la cour. Toujours c’étaient des châteaux. Mais  c’était pas dans la Loire. C’est lui qui les dessinait. Il disait : « Regarde sœur ! » Il  faisait « fuit fuit » avec l’épée.  Et je les voyais. Des fois, c’étaient pas des châteaux que je voyais. Et ça me faisait peur. Je disais : « Arrête, frère ! » Et il me délivrait. C’était chouette avec mon frère. On pensait toujours que ça durerait.

(Abeilles, habillez-moi de vous, Philippe Dorin – L’Ecole des Loisirs)

Haut comme trois pommes, voilà ce qu’ils disent de moi, haut comme trois pommes peut-être  quatre, haut comme trois  goldens, haut comme trois reinettes qu’il croque avec ce qu’il lui reste de dents, voilà ce qu’ils disent de moi, ils disent de moi cuisses de grenouille, la globule, demi-portion, ils disent ça aussi de moi, le moucheron aussi ça arrive, haut comme Playmo, n’a que la peau sur les os, il pourrait s’envoler au moindre souffle de vent, il a la peau sur les os et les os chamallow et un pull-over trop grand deux fois trop grand trois fois trop vieux qu’on dirait le pull de son grand-père
qu’ils disent, je ne crains ni le froid ni la neige mais il préfère garder son pull même quand il fait trop chaud allez savoir pourquoi, Courpartout c’est mon surnom, tout  le  monde m’appelle  Courpartout,  pourquoi me direz-vous ? Pourquoi ils disent ça de moi ?

(Cent culottes et sans papiers, Sylvain Levey – Editions Théâtrales / Jeunesse)

HUBERT : Certains soirs, je déambule dans les rues de la ville, plein de souvenirs :  le dernier été avec maman, mon frère à la maternité, les premières vacances au pays, chez mes grands-parents, la fête foraine… Et je rêve à ce que je vais devenir plus tard, quand je serai quelqu’un d’autre.
Rémi aussi sera différent, peut-être serons-nous toujours amis ? Peut-être que nous nous serons oubliés ? Papa n’aime pas lorsque je me perds dans la ville, il trouve ça étrange, je crois. Mais il se tait, et me laisse partir. Il reste un mystère, j’ignore si un jour je comprendrai vraiment qui il est.
Toutes ces étoiles, au-dessus de moi, qui paraissent me saluer et que chacune je reconnais. J’aime imaginer que ce sont mes figures familières.
Celle-ci, toute petite et presque ridicule, qui clignote par instants puis semble s’évanouir, c’est mon frère. Plus loin, il y a Rémi, cette étoile jaune et bleue, qui se transforme sans cesse. Celle-là, au bord du ciel, si lumineuse, si paisible, c’est maman. A côté, entre deux trous noirs, papa la regarde. Quant à moi, je suis là, j’attends, je me consume à l’autre bout de l’univers. Et je veille sur eux.

(Hubert au miroir, Dominique Richard – Editions Théâtrales / Jeunesse)