Les dits de Nantes

Les dits de Nantes, 10 priorités pour le jeune public

Le 2 avril 2015, les professionnels du spectacle jeune public se réunissaient à Nantes, pour réfléchir ensemble, et formuler des propositions : quelles suites donner à la Belle saison? Quelles sont les priorités, à l’heure des menaces généralisées sur la culture? Scènes d’enfance(s) et d’ailleurs et l’ASSITEJ France publient “Les dits de Nantes, 10 priorités pour le jeune public”. Après le Manifeste, un programme partagé pour un futur immédiat.

Préambule

A mi-parcours de la Belle Saison, le 2 avril à Nantes, à l’appel de Scène(s) d’Enfance et d’ailleurs et de l’assitej France, s’est tenue une journée de travail pour mesurer les avancées et les effets de la Belle Saison, requestionner le Manifeste, redéfinir les urgences, passer de la proposition à l’exigence

Il y a trois ans, le Manifeste pour une politique artistique et culturelle du spectacle vivant en direction de la jeunesse était édité. résultat du travail collectif sur tout le territoire national d’une profession militante portée par l’espoir du changement, ses 40 propositions ont suscité l’intérêt du Ministère qui a décidé de répondre à la trente-neuvième proposition appelant à « un temps fort ».

la Belle Saison est là pour donner visibilité au jeune public et passer « d’une dynamique fragile à une dynamique pérenne ».

On perçoit déjà un « effet Belle Saison » qui touche des cercles jusqu’ici peu sensibles aux problématiques du jeune public et facilite la (re)connaissance de ce secteur des arts vivants.

Mais ce mouvement se trouve confronté aujourd’hui à des difficultés majeures : changements politiques, manifestations de censures, baisses de subventions, disparition de lieux, de festivals, de projets. Comment pourrions-nous accepter la perte de « décennies d’inventions, d’expériences, de réussites artistiques et éducatives » ? Dans le contexte de fractures sociales, d’exacerbation des différences, de crispation sur les identités et de montée des intégrismes auquel nous devons faire face, l‘ouverture de la jeunesse à l’art et à la culture doit au contraire être une responsabilité partagée par touTEs.

Préambule il nous faut donc affirmer le jeune public comme le laboratoire d’un nouveau théâtre populaire, audacieux et innovant, ni populiste ni élitiste, dans l’esprit du « Programme (inter)national de la Résistance ». il est urgent de réinventer le lien à la population et au territoire, de renouer le dialogue à tous les niveaux – politiques, publics/non-publics/publics empêchés – d’imaginer les nouveaux chemins de la médiation, de la formation, d’accueillir les jeunes dans leurs différences en reconnaissant leur autonomie et leurs pratiques, de travailler à la mise en place de nouvelles solidarités, de redistribuer les cartes et les ressources. Une véritable politique (mission ?) de service (au) public.

FortEs de nos convictions, de nos expériences et de la reconnaissance que nous avons acquise, nous demandons aux pouvoirs publics la mise en place concrète d’une politique artistique et culturelle ambitieuse pour l’enfance et la jeunesse.

Faisons ensemble de ces dix priorités un programme partagé.

Les dix de Nantes

Dix urgences à partager. Dix priorités qui ne peuvent exister
que si elles sont réalisées dans le dialogue avec touTEs les
professionnelLEs du secteur de la culture, de l’éducation,
de l’enfance, avec les éluEs, les parents et bien d’autres encore.

  1. Replacer la création au coeur de la politique artistique et culturelle en direction de l’enfance et de la jeunesse
    Donnons dès à présent les moyens d’une politique culturelle ambitieuse pour l’enfance et la jeunesse qui replace la création au coeur de cette politique. Une création audacieuse et innovante, aux formes et langages multiples, libre de toute pression sociale et politique. Une création professionnelle dégagée du “tout pédagogique” qui doit retrouver son indépendance économique dans des enveloppes budgétaires trop souvent subordonnées à d’autres objectifs/impératifs.
    ›Propositions 1 à 7 du Manifeste
  2. Ancrer la présence artistique sur les territoires
    Co-construites dans le respect de la pluralité des démarches artistiques, les résidences réinventent de nouveaux chemins de création et de médiation. Sans définir de modèle unique, mettons en place un plan volontariste, attribuant à ces projets les moyens de leur ambition et une méthodologie de travail partagée par touTEs : co-construction des résidences dans le respect du rôle et des problématiques de chaque partenaire, inscription dans une temporalité qui rend possible la relation au territoire et à ses habitants, prise en compte des forces vives du territoire – artistiques, éducatives, sociales –, réflexion sur l’après-résidence.
    ›Propositions 4, 5 et 23 du Manifeste
  3. Inscrire le jeune public dans les lieux labellisés
    Rappelons la nécessité du soutien à la production, ainsi que la diffusion et la médiation en direction des jeunes publics cahiers des charges des lieux labellisés. la mise en place de quotas, même temporaire, est souhaitable. À travers ce plan, il sera possible d’assurer la création et la circulation de formes jeune public de grand plateau, avec la même ambition que toute proposition artistique pour adultes.
    ›Propositions 1, 9 et 15 du Manifeste
  4. Soutenir et accompagner les nouveaux modes de production
    Avant et pendant la Belle Saison, se sont développés des réseaux, des initiatives nouvelles dans ce secteur, notamment en soutien à la production. Des réseaux, des coopératives, des plateformes ont vu le jour. Cette nouvelle économie de la production a pris forme dans les régions. leur expertise doit être reconnue et leur développement soutenu par des moyens de production venant des collectivités. instituons des passerelles avec les lieux labellisés lorsqu’ils ne sont pas déjà impliqués dans ces démarches collaboratives.
    ›Propositions 2 et 3 du Manifeste
  5. Créer, structurer et pérenniser des plateformes/ pôles-ressources sur l’ensemble du territoire
    En s’appuyant sur les synergies existantes, favorisons le maillage du territoire national en instaurant des plateformes régionales jeune public, de manière pérenne et en dialogue avec l’ensemble des collectivités publiques. les missions (repérage, soutien à la création et à la diffusion, formation professionnelle…) de ces plateformes, dont la configuration sera adaptée aux spécificités territoriales, seront précisées dans un cahier des charges à définir.
    ›Propositions 3 et 35 du Manifeste 4 3 5
  6. Favoriser la circulation des oeuvres et des artistes, au niveau national et international
    Développons des outils pour favoriser les coopérations et la mobilité internationale : mise en place d’un fonds dédié aux coproductions internationales, soutien à la traduction des textes et repérages préalables aux coopérations (intégration dans les réseaux, présence sur les festivals, laboratoires-résidences internationaux…). l’expertise et l’implication de l’institut Français, missionné en ce sens, sont une absolue nécessité. À l’échelle nationale, la coopération entre les différentes plateformes stimulera la circulation des projets entre régions parfois éloignées géographiquement. De nouvelles solidarités verront ainsi le jour.
    ›Propositions 6, 7 et 12 du Manifeste
  7. Bâtir un espace de dialogue et de travail pérenne et structuré entre le champ de la Culture/Communication et celui de l’Education nationale
    Tant au niveau des Ministères que des professionnellEs, il est urgent que le monde artistique et culturel refasse alliance avec le monde de l’éducation qui a aussi des pratiques innovantes.
    Reconsidérons la place de l’école comme un lieu d’ouverture en donnant les moyens de la mise en oeuvre des préconisations de l’Etat en matière d’éducation artistique. la généralisation de l’accès régulier aux oeuvres permettra un dialogue sensible et critique avec le monde.
    ›Propositions 22, 24 et 31 du Manifeste
  8. Rendre obligatoire la formation à la prise en compte du jeune public intégrons un volet jeune public dans toutes les formations artistiques (conservatoires, écoles nationales, …).
    De même, et selon des modalités différentes, inscrivons ces questionnements dans les formations s’adressant aux enseignantEs, aux futurEs professionnellEs de la culture et du champ social. Mêlant approche théorique, confrontation de points de vue, mise en pratique et expérience artistique, ces formations auront un effet majeur dans la qualification des projets et leur développement.
    ›Propositions 25, 26 et 27 du Manifeste 8 6 7
  9. Ouvrir des espaces de dialogue interprofessionnels
    Renouons le dialogue entre les professionnellEs des différents secteurs – petite enfance à adolescence, champ social, éducation populaire, responsables des collectivités territoriales – pour parvenir à des politiques communes et concertées considérant l’enfant dans toutes ses dimensions. Ce dialogue peut être ouvert notamment par des études transversales et la mise en place de temps d’échanges interprofessionnels de confrontation d’idées et de croisement d’expériences.
    ›Propositions 10, 28 et 31 du Manifeste
  10. Contribuer à une meilleure connaissance de toutes les dimensions de ce secteur
    Activons la recherche et l’observation dans le champ du spectacle vivant pour le jeune public, qui n’a jamais été un terrain d’étude prioritaire. Son économie, sa sociologie, les politiques culturelles qui s’y développent en France comme à l’étranger méritent d’être interrogées, étudiées et diffusées.
    Cette démarche contribuera, par sa large diffusion, à un meilleur dialogue avec les collectivités et les éluEs.
    ›Propositions 33, 36 et 38 du Manifeste
Restons vigilantEs
Les théâtres, les écoles sont des lieux de construction et de dialogue qui reflètent notre société. Refusons tout mouvement de censure et/ou d’auto-censure. La défense de la liberté de la parole et du débat citoyen doit être une responsabilité partagée par touTEs.

Ce document est co-édité par assitej France et Scène(s) d’Enfance et d’ailleurs.
Ces propositions sont issues des débats qui se sont tenus à Nantes, le 2 avril 2015, à l’invitation des deux associations et dans le cadre du festival Petits et Grands.