Cultiver la joie et l'altérité

Par Cyrille Planson, membre du Conseil d’administration

Un ciel assombri aux reflets jaune orangé, l’odeur de fumée que rien ne dissipe et une pluie ininterrompue de cendres tombant pendant des heures sur les enfants, dans la Cour du Totem. Nous sommes nombreux, et nombreuses, à nous souvenir de ce moment si troublant, survenu à l’été 2022. Les collines de la Montagnette, à quelques kilomètres d’Avignon, étaient en feu. Sous nos yeux, se dévoilait alors un futur dystopique. Mais, pour de vrai. L’enfance confrontée aux errances climatiques et nous, adultes impuissants, désemparés et incrédules à la fois. Aucun·e de celles et de ceux qui étaient présent·es à Avignon n’ont oublié ces images.

Voici quelques jours, à l’occasion des journées professionnelles que la Plateforme jeune public de Pays-de-la-Loire organisait à Angers, ce souvenir nous est revenu à l’esprit, un soir, après un spectacle qui interrogeait l’enfance et la nature. PlatO s’était lancé dans une aventure, une quête iconoclaste à l’issue bien incertaine. Celle de l’éco-optimisme, des nouveaux récits, de l’accompagnement de l’enfance et de la jeunesse dans les défis immenses qui seront les siens. Des rencontres assurément inspirantes pour toutes et tous. Il en faut – de l’optimisme – alors que la crise climatique s’impose et que les passions tristes, partout, s’expriment. Nul besoin de les détailler, elles pèsent suffisamment sur notre quotidien.

Chaque jour, nous, les adultes, tentons de résister tant bien que mal à ce désir toujours plus fort de nous extraire du monde, de nous laisser aller au repli, de nous fermer aux autres aussi. Ce serait tellement facile… Or, nous voyons combien il est essentiel, aujourd’hui plus qu’hier encore, de prendre soin de l’enfance et de la jeunesse, de partager avec elles d’autres récits du monde que ceux, étriqués, qui leur sont imposés de toutes parts. Partager avec elles des futurs désirables, ouvrir le champ des possibles pour combattre l’apathie, écouter – surtout – ce qu’elles ont à nous dire de ce monde qu’elles ne doivent pas s’interdire de rêver.

Ils sont nombreux, les artistes, à prendre soin de ces enfants et de ces jeunes en écoutant leur parole et en la portant au plateau. Ils sont de plus en plus nombreux, aussi, à vouloir ancrer leur création dans la joie, dans une certaine forme d’optimisme, sans rien occulter des réalités de ce monde. Ils et elles se reconnaîtront. Certains voient là un acte de résistance. Prendre soin, cultiver la joie et l’altérité, se faire un devoir de l’optimisme, voilà sans doute ce qui nous incombe à nous, adultes et professionnel·les, dans notre rapport à l’enfance et à la jeunesse. La tâche est rude, mais c’est ainsi qu’une révolution silencieuse, joyeuse et inspirante, verra peut-être le jour.

19 novembre 2024
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